
Attention, ça va saigner !
Rouen, aujourd’hui. À la mort de son père, Anne reprend la boucherie familiale aux côtés de Stacey, la seule camarade qu’elle avait pendant ses études de CAP. Mais voilà, l’idée n’est pas de marcher dans les gros souliers sales du père – dont, tiens, j’ai oublié de vous dire, le corps n’a jamais été retrouvé – mais bien de faire billot ras du passé. Créer une boucherie qui met en avant ce que la viande a de plus noble, de plus beau, où chaque morceau d’os et de chair est exposé en vitrine comme une sculpture dans un musée. Rejoint ensuite par Michèle, ce trio plein d’idées neuves fait rapidement parler de lui : certain.e.s client.e.s sont heureux.ses de voir leur quartier s’animer d’un vent frais, d’autres voient d’un mauvais œil ces jeunes femmes qui entendent tout révolutionner. La méfiance gagne les plus jaloux.ses, et les rumeurs commencent à se cristalliser au moment où un client, grand avocat disparaît dans de mystérieuses conditions, suivi de près par un jeune homme se trouvant être le compagnon de Stacey… Ces bouchères aiguiseraient-elles leurs couteaux sur les carcasses animales autant que sur les êtres humains ? Ne serviraient-elles pas de la chair humaine à leur clientèle ?
Sophie Demange balance un premier roman noir servi à point, jubilatoire, jouissif, que l’on aurait pu intituler #découpetonporc. Je l’ai dévoré d’une traite, fascinée par la croisade de ces justicières contre des porcs machistes qui traitent les femmes comme des bouts de viande. J’étais à fond dans leur camp, animée par un désir de vengeance, par cette idée qu’il faut parfois faire justice soi-même.
Une écriture au couteau, qui désosse, dénerve, dissèque, qui m’a complètement happée – j’y ai retrouvé la précision d’une Joy Sorman dans son
« Comme une bête ». Chaque mot est sélectionné comme le blanc dans le poulet du dimanche. La Rouennaise que je suis a été heureuse de tomber, à la faveur d’une page, sur les endroits phares de la ville aux Cents Clochers. De retrouver le microcosme des quartiers où tout se sait et tout circule – surtout les pires vilénies.
Un grand bravo à l’autrice pour ce roman militant, à lire avant, pendant et après le 8 mars. À mettre entre toutes les sales pattes de ces porcs, de ces disciples du patriarcat, de ces hommes qui pensent pouvoir traiter les femmes n’importe comment. Et merci pour cette escapade littéraire et explosive dans ma ville natale !
Livre reçu dans le cadre de la Masse Critique de Babelio

