
Je découvre avec Mater Dolorosa le travail de Jurica Pavičić, que la sphère française de polar-addicts semble bien connaître depuis la parution de la traduction de « L’Eau rouge » en 2021. Un polar original, prenant, bien écrit. Divisé en 6 parties, qui nous fait pénétrer les pensées de trois personnages : Katja, Ines, et Zvone. La première est la mère d’Ines et Mario, qui s’échine à faire des ménages depuis la mort de son mari et trouve du réconfort dans les églises, auprès d’une autre Mater Dolorosa, Notre-Dame des Sept Douleurs. La deuxième a 26 ans et travaille dans un hôtel accueillant une clientèle vulgaire et fortunée, elle entretient une relation avec son patron, marié. Mon troisième est le policier en charge de l’enquête sur la mort d’une jeune fille de 17 ans, Viktorija, retrouvée dans une usine désaffectée. C’est cet assassinat qui va lier le destin de ces trois personnages, fracasser leurs certitudes, leur espoir en l’humanité, la famille, la foi.
J’ai aimé l’originalité de ce polar qui nous embarque dans un Split bien éloigné du paradis touristique et des décors de cartes postales. Là, nous sommes dans l’envers du décor, dans le quotidien d’une société en souffrance, encore marquée par le communisme et la guerre de l’ex-Yougoslavie. Une originalité qui tient aussi dans la révélation, très tôt, de l’identité du meutrier, et qui peut laisser penser que cette enquête n’était qu’un prétexte pour parler de la société – cela n’a d’ailleurs en rien gâché mon plaisir. L’auteur nous en parle avec brio, avec une plume addictive, une vraie volonté de fouiller la psychologie de ses protagonistes et de planter le décor.
Si vous aimez les polars qui vont à mille à l’heure, à l’efficacité implacable, passez votre chemin, vous risqueriez d’être déçu.e. Si vous aimez, en revanche, les romans noirs qui prennent leur temps, emparez-vous sans attendre de ce diamant noir.
Découvert dans le cadre de la Masse Critique de Babelio
